Vingtième leçon : Paris, nous voici!

Pour ma première leçon, j’arrivai chez Maestra Helena accompagnée :

 -Pouvez-vous me dire ce que Nico Archambault fait avec vous?!

 -Ben… il m’a aidé à monter ma chorégraphie.

 -Hein?!

 -Ben oui, ma chorégraphie sur une symphonie de Mozart…

 -Pensez-vous vraiment que le chef d’orchestre danse devant les musiciens??

 -Absolument, sinon, je vois pas ce qu’il pourrait bien être en train de faire…

 -Dites à Nico Archambault de décâliss*** d’icitte au plus vite.

 -Nico?

 -Ouais?

 -Décâl****.

 -Ok. Bye.

 Helena me fixa dans les yeux, l’air découragée :

 -On part d’encore plus loin que je le croyais. J’avais prévu consacrer ce premier cours à l’histoire de la musique, mais je pense que nous sautons des étapes cruciales en abordant cet aspect. Commençons plutôt par : Mais qu’est-ce que la musique?

 -Mmm, je dirais que c’est du bruit qui sonne bien.

 -Oui, en quelque sorte.

 -Des sons qui, ensembles, donnent de quoi.

 -Mm, mmm….

 -Des hauteurs dans l’espace qui s’associent à un moment donné et finissent par créer des sons plus complets que les sons de base dans la nature.

 -On s’éloigne. Disons seulement que la musique, c’est des sons organisés.

 -Ok, ça me va.

 -Savez-vous ce qu’est une symphonie?

 -Mmm… des sons bien organisés en ost**?

 Sur ces mots, elle me tendit un exemplaire de « La direction d’orchestre pour les nuls », un ouvrage fait sur mesure pour moi puisque je veux apprendre la direction d’orchestre et que je suis nulle.

Comme ce premier cours avec Helena se passa plutôt mal, arrivée chez moi, je me mis à la recherche d’un concours dans les magazines et les journaux afin de me changer les idées :

 -Gagnez un séjour pour deux en Alaska! (bof… je sais pas)

-Une semaine romantique à Paris à remporter! (ça pourrait être pas pire…)

-Gagnez une fin de semaine détente dans un Spa norvégien! (non, pas mon genre…)

-Voyez l’OSM à Berlin gratuitement! (Oh, ça commence à avoir de l’allure…)

-Dirigez l’OSM à Paris.

Avais-je bien lu? C’était le concours parfait pour moi! Il s’agissait seulement de remplir le bon de participation, de répondre à la question d’habileté : 1+1= et le tour était joué! Chanceuse comme je le suis, on me téléphona deux semaines plus tard pour m’annoncer que j’étais la grande gagnante du concours!!!

Maestra Helena en perdit son dentier et sa gaine lorsque je lui annonçai la nouvelle.

Ma maîtresse choisit une célèbre symphonie de Mozart pour mon fameux récital parisien : Symphonie no 40 en Sol mineur (http://www.youtube.com/watch?v=-hJf4ZffkoI&feature=related). « Pfff, me dis-je, ça va être facile!!! » Je pense que Mozart entendit mon exclamation et la pris pour un affront puisque les mois qui suivirent furent un véritable enfer. Malgré la simplicité de la symphonie, je n’arrivais pas à saisir l’essence de la pièce. Quand je croyais enfin avoir tout pigé, Maestra renvoya les trois saxophonistes et le guitariste métal que j’avais intégré à l’orchestre en hurlant que même sa perruche n’aurait jamais fait un choix artistique aussi épais (et croyez-moi, sa perruche sait ce dont elle parle en plus de porter le veston, le haut-de-forme et le monocle à merveille).

—–

Paris, janvier 20??

Ah, la France! J’étais charmée d’atterrir à Paris pour la première fois de ma vie. Je me préparais sans répit depuis 6 mois pour ce concert tant attendu. Je savais que j’étais prête pour le grand jour, mais je n’arrivais pas à chasser l’angoisse qui me bousillait les entrailles. J’étais horrifiée. Puis nous eûmes une répétition qui fut catastrophique.

-Mais qu’est-ce qui se passe avec vous, chère élève? Le concert est dans deux jours et vous n’arrivez pas à vous souvenir de cette putain de symphonie de Mozart?!

-Désolée, Maestra, je… je suis morte de trouille!

-Eh bien, peut-être que cette carrière ne vous est pas destinée si vous êtes incapable de gérer votre stress!

J’aurais donc fait tout ça pour rien? Le conservatoire, les concours, la composition, les masterclass, l’enseignement, le voyage à Paris gratuit… une année et demi entière de ma vie, gaspillée? Il n’était pas question que j’abandonne si près du but : Je pris donc les grands moyens et m’achetai un billet pour Vienne.

——

« Écoute, Moz’, hurlai-je, si jamais la fin du monde arrive pis que je suis la seule chef d’orchestre survivante – et tu sais très bien, comme moi, qu’avec la chance que j’ai, ça se peut très bien que ça arrive – tu veux pas que je transmette tout croche ta musique aux futurs musiciens, non?! Ça fait que tu vas m’aider à diriger c’t’orchestre-là comme du monde, pis après, je t’achale pu, ok?!?! »

Au moment où j’allais remettre les ossements de feu l’enfant prodige dans leur trou, deux policiers me saisirent par les épaules violemment. Dans une langue incompréhensible, ils m’ordonnèrent de les suivre.

——

Dans la prison de Vienne…

Je fus surprise d’être placée dans une cellule avec un homme plutôt qu’une femme. Un horrible frisson parcourra mon corps lorsque je tombai face à face avec ce géant musclé à l’épiderme couverte de tatous. Heureusement, je compris que j’étais en sécurité en voyant que l’une des illustrations sur son bras droit était deux hommes qui s’embrassaient et que dans un cœur, c’était écrit : « J’t’aime Gaétan ». Je fus doublement soulagée quand j’entendis le gorille s’exclamer, en me voyant :

-Tabarn**.

-Oh! Vous êtes Québécois!

-Ben oué, toué si on dira’ ben!

Un splendide sourire illumina le visage dur du détenu. J’en profitai pour engager la conversation :

-Qu’est-ce que vous avez commis comme crime?

-J’ai tué mon voisin. Ça fasait dix ans qu’y nous écœurait, moé pis mon chum, ça fait que maintenant, y nous achalera pu!

-Ah, pauvre vous… je suis pas sûre que ça va régler votre problème par contre: Moi c’est un gars mort v’là 220 ans qui me pourrit la vie ces temps-ci!

(Silence remplit de confusion)

-…pis vous, pourquoi vous êtes en prison, ma p’tite m’amzelle?

-Bof, pour cent fois rien… seulement pour avoir déterré la dépouille de Mozart pour le supplier de m’aider à diriger l’OSM.

(Silence de malaise)

Le sourire de mon interlocuteur s’estompât. Il grimpa sur son lit et ne m’adressa plus la parole de la journée.

Alors que je commençais sérieusement à songer à m’évader de ma cellule, je vis Maestra Helena apparaître de l’autre côté des barreaux. Étrangement, elle n’avait pas son air sérieux et détaché habituel, elle portait une jolie robe fleurie et ses cheveux tombaient quasi-gracieusement sur ses épaules de footballeur en uniforme. Elle était presque jolie, n’eut été du fait qu’elle ne savait clairement pas se maquiller.

-Le rouge à lèvre, ça va sur les lèvres.

-Ah… je le saurai pour la prochaine fois, dit-elle en essuyant les deux ronds rouges foncés qu’elle s’était dessinée sur les joues.

-Tu viens pour me dire bonjour ou tu as trouvé le moyen de me sortir d’ici?

-Tu vas être obligée de diriger l’OSM à distance.

-Hein? Qu’est-ce que tu veux dire?

-On va placer une caméra dans ta cellule et les musiciens vont regarder tes gestes sur un grand écran.

-wow, c’est pèté.

-Mets-en.

À suivre….

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